The endless Scroll

A Collaboration for Jean Benoît




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About this Collaboration :

Note : throwing some flowers of true life on the tomb of a surrealist is not an easy matter. When this surrealist happens to be Jean Benoît, some accuracy as regards the marvelous is required. Jean Benoît and Mimi Parent waited ten years before daring to meet the group led by André Breton because they wanted to be sure not to come with empty hands. There is hence no need to hurry. Anyone may take all the time he thinks to be required before adding something to this scroll, provided that what is added has captured something of the Gold of Time.


Note : jeter quelques fleurs de vraie vie sur le tombeau d'un surréaliste n'est pas chose aisée. Quand il s'agit de Jean Benoît, il ne saurait y aller que de quelque rigueur dans le merveilleux. Jean Benoît et Mimi Parent ont attendu une dizaine d'années d'avoir quelque chose à offrir au surréalisme avant d'oser aborder au groupe animé par André Breton. Que chacun prenne donc le temps qu'il voudra pour ajouter à ce rouleau pourvu qu'un peu de l'Or du Temps y soit.



I met Jean Benoît in the years 1997-1998 in the studio he had near Les Halles at this time. And I still remember his amused remark when he opened the door: "What! You came without a woman? " (I corrected this immorality by visiting him almost always with Zazie thereafter). I first bored him deeply enough during fifteen to twenty minutes, by attempting to share with him fresh ideas that had come to my mind regarding some exotic varieties of perspective. Then, as he kindly let me understand that he was getting somewhat tired of it, we talked a bit of surrealism and then of many other things. And above all we laughed a lot. The laughter that we shared on this day has never wavered in the years that followed. I have always managed to make him laugh, even on the days when he happened to be quite sad.


Maybe we had a sort of regional connivance. "I am a Percheron,” he said, “I have dappled buttocks". Me as well; although in some ways, less than him and in far less delicate nuances. Of our common origins, he had preserved through the centuries and by the grace of his native Canada a natural simplicity and benevolence, and an openness to people, a quality and depth of goodness and some expressions and ways of speaking that were familiar to my countryside childhood. He had also kept a natural suspicion towards some crawling forms of false consciousness now so prevalent among the French of France that they almost have become unconscious. This instinctive vigilance, I recognized it too, although not as mine, but as part of our common heritage.

During one of my subsequent visits he said with a smile that he was no longer young, and that he had "Eisenhower's disease" (which was obviously very false). A little later, he slowly put on a pair of white gloves and took a cluster of scrolls out of a cardboard box. Long rolls of heavy paper decorated with feathers, and on which were glued a whole bunch of stuff: pictures, poems, drawings, and objects... Side-paths along which he and his lovers had dropped the buoys and beacons of their shared moments. And while there were several scrolls of course, all well considered, there were not so many of them. Also, while some of them had stopped growing, others were still active and continued to lengthen. It was like a mixture of moments and eternity. What was there, were maybe grains of sand, but perhaps also islands, continents, or entire summer skies with all their stars or even more... These were scrolls of love. The exact opposite of Don Juan's records.


Jean showed his scrolls to Zazie in a later occasion but in a more detailed way than he had done the first time I saw them. He only unrolled a couple of them but, as the three of us had become quite familiar to each other, he forgot to put on his white gloves, and told us stories that were related to some of the objects and texts which were stuck on them.


Zazie and I - among many others - loved John at lot. It was actually difficult to do otherwise. We hence thought to initiate a scroll. A scroll of a sort that begins and ends one day perhaps, or maybe that never ends ... Where each one brings objects and signs of his own, signals, buoys, light houses, among the most wonderful and most beautiful that bloom in his mind, and that mark his life in a most delicate way. Things which, in some way, capture and condense some fragments of the flow of Time , woven through the mesh of this network where here and there still shiver, under the thickness of the ashes of this time, the moiré and the rustling of our lives, of our dreams, of our images.


- Pierre Petiot



J'ai rencontré Jean dans les années 1997-1998 dans l'atelier qu'il avait à l'époque près des Halles et je me souviens encore de sa remontrance amusée lorsqu'il m'ouvrit la porte : "Comment ! Tu es venu sans femme ?" (J'ai corrigé cette immoralité par la suite en lui rendant presque toujours visite accompagné de Zazie).
Je l'ai d'abord assez profondément ennuyé pendant quinze à vingt minutes en l'entretenant de mes préoccupations du moment,liées à quelques variétés exotiques de perspective. Après quoi, comme il m'avait gentiment mais assez clairement laissé paraître quelque lassitude, nous avons parlé un peu du surréalisme et puis de beaucoup d'autres choses. Et surtout nous avons beaucoup ri. Et le rire que nous avons mis en commun ce jour là ne s'est jamais démenti dans les années qui ont suivi. Je suis toujours parvenu à le faire rire, même les jours où il lui arrivait d'être bien triste.

Peut-être avions-nous une sorte de connivence régionale. "Je suis Percheron disait-il, j'ai les fesses pommelées". Moi aussi. Quoique d'une certaine façon, moins que lui et surtout de nuances moins délicates. Lui avait conservé de notre bain de teinture d'origine, par delà les siècles et par la grâce de son Canada natal, une simplicité et une bienveillance naturelles, une ouverture aux êtres, une qualité de bonté profonde et quelques unes des tournures de langage familières à mon enfance campagnarde. Il en avait aussi gardé une méfiance naturelle à l'égard de certaines formes sourdes de fausse conscience, désormais si répandues chez les Français de France qu'elles sont devenues presque inconscientes. Cette vigilance instinctive, je la reconnaissais aussi, non pas mienne, mais part d'un commun héritage.

Lors d'une de mes visites suivantes il me dit en souriant qu'il n'était plus jeune, et qu'il avait "la maladie d'Eisenhower" (ce qui était d'évidence très faux). Un peu plus tard, il a lentement enfilé une paire de gants blancs et sorti d'une caisse en carton des rouleaux. De longs rouleaux de papier épais ornés de plumes et sur lesquels étaient collées tout un tas de choses: photos, poèmes, dessins, objets divers... Des sentiers de traverse où lui même et ses amoureuses venaient déposer les bouées et les balises de leurs moments communs. Et s'il y avait plusieurs de ces rouleaux bien sûr, à bien y réfléchir, il n'y en avait tout de même pas tant. Peut-être aussi certains avaient-ils cessé de croître tandis que d'autres continuaient de s'allonger. C'était comme un mélange d'instants et d'éternité. Ce qui se trouvait enfilé là comme des perles, c'étaient peut-être des grains de sable, mais peut-être aussi bien des îles, des continents ou encore des ciels d'été entiers avec toutes leurs étoiles, ou même pire... C'étaient des rouleaux d'amour. L'exact opposé des registres de Don Juan.

Jean a montré ses rouleaux à Zazie un peu plus tard, mais de façon plus détaillée qu'il ne l'avait fait la première fois que je les ai vus. Il ne déroula que quelques uns d'entre eux et, comme nous étions tous trois était devenus assez familiers, je crois qu'il a oublié de mettre ses gants blancs. Il nous a, ce jour là, conté quelques unes des histoires qui allaient avec certains des objets et des textes collés sur les rouleaux.

Zazie et moi avons - comme d'autres - beaucoup aimé Jean. Il faut dire qu'il était bien difficile de faire autrement. Nous avons donc décidé d'ouvrir un rouleau. Un rouleau d'une sorte qui commence et qui finit un jour peut-être ou peut-être qui ne finit pas... Où chacun apporte ses choses et ses signes, ses balises, ses phares, parmi les plus merveilleux et les plus beaux qui aient pu lui échoir et où vienne se prendre un peu le fil du temps, tissés au travers des mailles de ce réseau où frissonnent tout de même ici et là, sous l'épaisseur des cendres de cette époque, les moires et les bruissements de nos vies, de nos rêves, de nos images.


- Pierre Petiot