Le Navigateur de la F�licit� (s�lection)

 

 

                                  Alejandro Puga

 

 

 

 

 

 

 

 

                                         

 

 

�bauche d�une cavalcade, le paysage d�marqu� par d��pais nuages rouge�tres, fr�lant un bois �triqu� de sapins, tient dans une petite trousse de maquillage. Telle est l�inspiration, lorsqu�elle s�introduit, la langue arqu�e, dans le m�canisme l�ger de l�attente. Les souffles de l�amour s�amoncellent impatients en de�� des sommets qui irradient la chaleur n�cessaire pour que les bouches f�minines les plus belles s�abandonnent � l�estocade du gland ; les souffles de l�amour pr�ts � mettre en pi�ces les bas de soie, soigneuse d�marcation, entre les pics neigeux � hauteurs que seule atteint la dame aim�e � o� la pens�e �trang�re est un serpent oubli� au fond d�une poterie mill�naire.

   Et malgr� le faux-fuyant des filles vierges encore, jaillit le triple caract�re du masque esquimau. Secou�, il r�sonne comme une tirelire quasiment vide, rumeur sublime de cigale, sous le ch�le translucide de l�aube polaire.

   Dans une petite trousse de maquillage, la douce pluie de fin d��t� dilue les traits de craie rouge qui tentaient de reproduire une caravane de chercheurs d�or, signe d�interrogation  sans  direction, d�vastant  la  belle luxuriance amazonienne ; la douce pluie de fin d��t� s��coulant comme la lave dans un r�veille-matin secou� par sa sonnerie irr�pressible, jet de lettres impalpables que ma fen�tre illumine lorsque j��teins la lampe.

D�amour �veill�

Le buisson o� a r�v� ma dame

En devenant bourgeon de n�lombo

Dans ses mains le ciel plumage qui a oubli� le vol

Est l�un des quatre boutons qu�il faut d�grafer

Pour que ce ciel sorte du lit

Laisse admirer un nuage attard� un vol sombre

En qu�te d�un fa�te d�infini

Ou de fiert�.

   L�int�rieur de la tasse de th� fumant, dont le bord sup�rieur est une toiture palpitante d�ardoise baign�e par l�astre que tes yeux r�fl�chissent en cillant, c�est l� qu�un d�sert quelconque intervient pour distribuer les cartes. Certaines fleurent la cannelle, le romarin, la ros�e, et d�autres sont �corn�es par des becs d�oiseau de paradis, ou ont �t� plong�es pour les d�colorer, par une nuit de pleine lune, dans une flaque en passe de s�envahir d��toiles.

   Tandis que le regard fait des n�uds avec la distance, appara�t, sur le divan constell�, une cuisse. L�ombre de sa propri�taire recueille de ses deux main, � la naissance du pied, le bas qui en passant par la cheville se d�fait. L�ombre l�a voulu, l�hiver sera rigoureux.

   Du r�gne min�ral � l�extension en prairie ondul�e, o� les cypr�s courbent leur taille en sens contraire au vent pour c�l�brer le soleil initial d�un instrument � cordes mis en place comme une dame m�re qui se flairerait un poignet souvent bais� � ondes.

   Sur  un  pont-levis  englouti  par  un  flot de p�querettes, la cuisse r�appara�t. Elle commence � se r�fl�chir fragment�e, c�est une parole lentement articul�e sur les cordes de l�infini, un arp�ge de chair tendue par une lune insistante, une palpitation de mer proche, une r�v�rence insolente charmante des quatre �l�ments, quatre boutons qui me paraissent d�nu�s de fondement.

   L�aube arrive, d�faisant les plis acoustiques de la jupe sal�e. Ondes.

   Une locomotive d�raill�e, envahie par d��normes champignons. Une �treinte de dames �cras�es. Une exposition de photographies �rotiques dans un bois o� r�gne le s�pia. Une jeune fille aux yeux cern�s assise dans son fauteuil favori tourne le dos aux feux d�artifice � le paysage se compl�tant d�un hippocampe qu�elle porte comme une lavalli�re et d�un ciel noir d�hiver � IRR�SISTIBLE.

   La parole articul�e en �ventail de syllabes aux branches repli�es. Se savoir parcouru par le fil de la tradition la moins connue des archivistes de l�Histoire, en zigzag.

   Avec les index et les pouces former un c�ur transparent. La nuit se laisse alors d�rober une lanterne, une lettre d�amour, tant mordue et bais�e que n�en �manera en fin de lecture qu�un ar�me de crayon sur le point de d�faillir. Le timbre-poste dilu� � les ruines du ch�teau de La Coste sous la neige � O� serait le th��tre aux soixante fauteuils que Donatien fit construire, o� serait son alc�ve au matelas ind�formable ?

   La parole amour en �ventail aux branches repli�es se subjugue elle-m�me, imitant la courbe de l�onde de la langue qui p�n�tre en zigzaguant entre les soies ti�des les coutures, la berge �cumante du jupon qui d�j� n�est plus. L�occasion de boire la premi�re gorg�e de th�, dis-je... Le navigateur de la f�licit� est une chemin�e fumante, dans la portion illumin�e du rideau.

   L�oiseau avant de dispara�tre de mon regard a voulu imiter la page o� j��cris. Planifiant l�encre il se liqu�fie en ailes dispos�es � m�aider. Cause de vari�t� chez ces cr�atures plumeuses encore plus surprenantes si on les d�couvre la nuit. Ainsi l�inspiration. L�horizon met de l�ordre. Le hasard m�rite d��tre sond� dans le sens contraire des aiguilles d�une montre. Il faut t�ter la rive de velours froiss� qui � certains parmi nous le savent � l�accompagne dans son m�andre, et aussi les tensions o� la grammaire prend l�eau comme un �norme paquebot le jour de son bapt�me, t�ter les hochements de t�te soudains contre l�hilarit� du journal matinal, et aussi notre conscience de la parole du prochain, de sa f�licit� en de rares occasions de sublime voilure transparente. � c�ur !

   Le rideau court derri�re l�ombre qui le m�ne.

   D�amour �veill� le r�veur s�invente une s�rie de parall�les qui seront crois�es par les plaisirs de son aim�e. Ces parall�les sont des miroirs qui permettent une contemplation prolong�e sans se ternir, ce sont des lumi�res qui couvrent la page blanche, apr�s �tre arriv�es suspendues � un son quelconque, � une interrogation tr�s ancienne, � un appel t�l�phonique attendu, lumi�res de nuit refl�t�es, r�v�l�es dans les pas inconnus, se rendant allez savoir o� � de nulle part vers nulle part � tant est grande l��nigme qui les entoure !

   Le m�me oiseau ou peut-�tre un autre, revient apr�s son envol. Cette fois-ci avec un autre de m�me �l�gance. L�espace d�un instant le ciel bleu clair s�est partag� en se d�doublant, noyant le double virage dans l��ther, comblant � la vitesse de l�apparition d�un parfait �quilibre que mon regard rompt, pour agencer quelques mots, les ad�quats, des morceaux de l�image qui auparavant durent rester intacts dans l�Absolu. Le m�me oiseau ou peut-�tre un autre, revenant apr�s son  envol,  cherchant  sa  ration  quotidienne d�immensit�.

En �ventail aux branches repli�es.

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour